Musique / Alpha Blondy
« Vision » : Alpha Blondy, l’alchimiste des blessures
(MFI / 12.04.11) Tout juste trente ans après sa première apparition dans les médias ivoiriens, le reggaeman Alpha Blondy s’est appuyé sur l’équipe solide et soudée qui l’accompagne en live depuis plusieurs années pour enregistrer Vision, un album élaboré en tournée et souvent introspectif. Interview de l’artiste, avant son concert le 14 avril au Zénith de Paris et sa tournée française.
RFI
Musique : Vous avez souvent commenté la situation
ivoirienne dans vos albums, y compris le précédent, Jah
Victory.
Pourquoi le sujet n’est-il pas abordé dans
Vision ?
Alpha
Blondy :
C’est volontaire. J’ai voulu faire un peu respirer le
crâne. Des chansons violemment engagées, on l’a
déjà fait. Qu’on passe à autre chose. Mais
tout en faisant un clin d’œil à la situation
générale en Côte d’Ivoire, en Afrique ou
dans le monde. Si aujourd’hui il y a autant de remous, de quête
de liberté, c’est parce les politiciens ont oublié
l’essentiel : mettre l’homme au centre de leur
politique. L’argent est là pour l’homme. Pas le
contraire.
RFI
: Comment s’explique cette amertume, cette dureté qu’on
ressent par exemple dans des titres tels que Tu
mens,
Ces
soi-disant amis,
Trop
bon…?
A.
B. : Comme un
chien blessé, j’ai mes blessures à lécher.
C’est le côté thérapeutique de cet album.
Tous les psychologues vous diront qu’il ne faut pas garder les
choses au fond de soi. Et moi, j’ai trouvé la stratégie
de faire du recyclage de mes douleurs. Au lieu de dépenser de
l’énergie inutilement en s’énervant, en
cassant, il faut dire les choses comme je l’ai fait,
transformer la colère en miel musical.
RFI
: Les effectifs de la formation qui vous accompagne sur scène,
et cette fois aussi en studio, n’ont pas beaucoup changé
depuis plusieurs années, ce qui n’a pas toujours été
le cas. Avez-vous le sentiment d’avoir trouvé l’équipe
qu’il vous fallait ?
A.
B. : Je crois
que oui. A force de jouer avec les mêmes personnes, on
développe une complicité musicale. Je leur dis souvent
que je suis le trapéziste et ils sont le filet. En live,
je peux me permettre n’importe quoi, je suis sûr que je
vais retomber sur mes pieds, parce que mes musiciens connaissent mes
compétences et mes carences. Ils ont aussi trouvé entre
eux des repères pour se couvrir, se protéger, venir à
la rescousse de l’autre.
RFI
: L’album a été conçu en grande partie sur
la route. Est-ce une méthode de travail qui donne des
résultats différents ?
A.
B. : En tout
cas, cette expérience nous a permis d’économiser
en argent, en temps de studio et de peaufiner les détails.
Selon l’ambiance, on a ajouté ou enlevé des
idées. Comme on était en tournée, il y a ce
parfum live
qui est présent. Mes musiciens étaient très
courageux. Sortir d’avion, arriver à l’hôtel,
le temps de manger un bout puis, au lieu de se reposer, on va dans la
chambre d’Alpha, on installe les micros, les claviers, et c’est
parti. Ça donne le temps de parfaire le texte, en terme de
« chantabilité », de demander au
guitariste s’il peut trouver quelque chose de mieux…
Parfois, on a eu envie de reprendre sur scène des chansons
qu’on faisait, mais on a été rigoureux, on n’a
pas osé. On ne voulait pas dépuceler le projet avant
qu’il soit mûr.
RFI
: Dans Alpha
Blondy, Un combat pour la liberté,
un film documentaire qui vous a été consacré et
qui a été récemment diffusé, on vous
revoit faire votre première télé avec la chanson
Papa
Bakoye,
en 1981. Qu’est-ce que le jeune Alpha a en tête au moment
d’entrer sur le plateau de l’émission ?
A.
B. : Il a
tellement rêvé de ce moment-là que, lorsqu’il
arrive, l’espoir est là. L’avenir, il ne le voit
pas du tout, mais il espère que cet instant qu’il vit va
durer longtemps. Il espère qu’il y aura quelqu’un
qui va un jour l’aider à faire un disque. Il a tout en
tête, en termes de rêves.
RFI
: A
posteriori,
est-ce
que votre arrivée sur la scène ivoirienne n’a pas
été conditionnée par certains qui ont préparé
le terrain ? Comme Ernesto Djédjé qui a beaucoup
innové, proposé un autre son et dont la disparition est
survenue d’ailleurs au moment où votre carrière
décollait…
A.
B. : Nous
profitons tous de ce qui a été construit pas les uns et
les autres. Ceux qui ont fait la route voulaient peut-être
arriver au rêve que nous réalisons pour eux. Le premier
rêve n’est pas d’être célèbre
mais que l’amour que nous avons pour la musique puisse devenir
une réalité pour le pays ou le village duquel nous
venons. J’ai eu cette chance-là. J’aimais beaucoup
Djedjé et sa musique. Avec Fulgence Kassy, je suis allé
à son enterrement. Il est de Tahiraguhé, un village
près de Daloa.
RFI
: Le chanteur italien Alborosie et l’Allemand Gentleman, deux
pointures du reggae européen avec lesquelles vous partagerez
la scène du Zénith à Paris le 14 avril ont
en commun de souvent jouer votre chanson Jerusalem.
Est-ce que ce morceau, devenu un standard, n’a pas un impact
qui vous dépasse ?
A.
B. : C’est
vrai. Tu sais quoi ? Dieu nous dépasse tous. Et quand tu
te mets à glorifier Dieu, il te le rend bien. Sur un coup de
tête, j’avais décidé d’aller en
Israël. On m’avait dit qu’il y avait du danger mais
je suis parti. Seul. J’ai découvert Jérusalem
et ça a été le coup de foudre pour le fou de
Dieu que je suis. Voir en un seul endroit autant de vérités
spirituelles, ça m’a réconforté dans mon
amour. Je n’arrive pas à dissocier l’homme de
Dieu. La chanson Jerusalem
est née du souffle de la ville de Jérusalem.
D’ailleurs, je ne savais pas qu’à la synagogue, la
prière commençait par
« Baroukh
Ata
Adonaï"
qui sont aussi les premières paroles de la chanson.
Dieu a guidé
ma langue. Il te fait dire des choses et c’est après
qu’on t’explique !
Propos recueillis par Bertrand Lavaine
Vision,
par Alpha Blondy. Test / Wagram 2011
Alpha Blondy, Un combat pour la liberté. Un film de Dramane Cissé et Antoinette Delafin (95’). [email protected]
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