DEUXIÈME PARTIE – LE CŒUR DE LA MODERNITÉ SOCIALE

Compte Rendu de la Deuxième Session de la Réunion
i Premier Groupe ii Deuxième Groupe iii Troisième Groupe





Deuxième partie : Inégalités, conflits et cohésion sociale : la dynamique sociale :

Deuxième partie – Le cœur de la modernité sociale :

des sociétés prises entre la cohésion sociale et les conflits sociaux :


Chapitre 4 – L'évolution des formes et des sources des conflits sociaux :

Objectif : comprendre l’apparition de mouvements sociaux dans nos sociétés, l’évolution de leurs formes et leurs fonctions sociales (focus sur le monde du travail).


Rentrons désormais dans ce nouveau chapitre. On a vu dans le chapitre précédent que l’évolution de la société s’est traduite par une évolution des manières de vivre ensemble. On peut alors se demander si, dans le même temps, les manières de s’opposer ont changé. C’est la grande des conflits sociaux que l’on doit alors aborder dans ce chapitre.


Cette précaution évoquée, commençons. On va essayer de comprendre les conflits sociaux de nos jours.


On montrera que les conflits peuvent être appréhendés à partir de grilles de lecture contrastées : comme moteur du changement social ou comme résistance au changement.

 

 



Avant de commencer leur étude, on va simplement circonscrire le champ de recherche. Mise en commun au tableau à partir d’exemples. Pour ce faire, vidéo présentant un panel de mobilisations. Leur demander de donner aussi d’autres exemples plus récents.

 Quel est l’objectif de ces mouvements selon vous ? Leur point commun ? Y a-t-il des différences dans les objectifs possibles ?

Quel est leur point commun dans les moyens qu’ils ont de remplir leur objectif ?

Un mouvement social est une entreprise collective de protestation et de contestation visant à imposer ou à empêcher des changements dans la structure sociale et/ou politique par le recours fréquent à des moyens non institutionnalisés.

Remarque capitale : sur ce point du changement ou de la résistance au changement, le risque est de faire dans vos copies des jugements de valeur sur tel ou tel conflit. Il est vous strictement interdit de le faire. Il s’agit simplement de décrire ce que veulent les individus. A ce titre, on peut aussi noter l’usage politique des adjectifs « pro » ou « anti ».


Maintenant qu’on a dit cela, on peut embrayer sur la question du conflit social.

 Finalement, quand voit-on le conflit social ? Quand il y a des mouvements sociaux. Donc on a quasiment tout le temps des conflits sociaux sous-jacents mais ils ne sont vraiment visibles qu’avec les mouvements sociaux. C’est pourquoi on va beaucoup assimiler les deux notions dans ce chapitre.

Le conflit social a lieu lorsque différents groupes sociaux sont en opposition sur une question de société. Il n’est clairement visible qu’à condition que des mouvements sociaux, ou lorsqu’un mouvement social et l’organisation sociale en place, sont en opposition sur une question de société. Le mouvement social révèle les conflits sociaux.


Cela dit, il va nous falloir entrer sociologiquement dans le sujet. On a constaté une grande diversité des mouvements sociaux. Comment peut-on classifier cette diversité ? (I)

Dans le même temps, on a pu entendre et lire que les conflits sociaux sont dangereux, qu’ils prennent en otage la société, etc. Autrement dit, on fait souvent l’opposition entre la cohésion sociale et les conflits. C’est une question que le sociologue doit aborder. Dans quelle mesure les conflits sociaux s’opposent-ils à la cohésion sociale ? Pour aborder cette question, on s’intéressera particulièrement au cas des conflits dans le monde du travail. (II)

  1. L’évolution des mouvements sociaux et leur explication :


On s’intéressera plus particulièrement aux mutations des conflits du travail et des conflits sociétaux en mettant en évidence la diversité des acteurs, des enjeux, des formes et des finalités de l’action collective.

Conflits sociaux, mouvements sociaux, syndicat

 


  1. Comprendre la possibilité d’un mouvement social :

Avant de rentrer dans une évolution, il faut juste se doter d’un cadre d’analyse. On va chercher à essayer de trouver un point commun à tous les individus qui se mobilisent. Comment expliquer que des individus se regroupent pour former un mouvement social ? On va aller vite et raisonner d’une manière générale.


Voir avec les élèves le schéma suivant et en expliquer les étapes, avec rapide exemple à chaque fois.

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* Une typologie a été définie par Albert Hirschman (1970) dans son livre Défection, prise de parole et loyauté (Exit, voice, loyalty) pour décrire les différentes réactions à la frustration relative. Seule une des trois réactions permet la mobilisation.


* Même si l’individu a envie de prendre la parole, il peut ne pas d’engager comme le montre le « paradoxe de l’action collective » ou « phénomène de passager clandestin » défini par Mancur Olson (Logique de l’action collective, 1966).


* La prise de parole définitive découle du fait que les acteurs du mouvement social ont pris conscience du rapport entre la situation sociale et leur situation individuelle. Il faut donc que soit « construite une cause commune » en jouant sur les intérêts (seuls ceux qui se mobilisent obtiennent quelque chose à leur avantage) ou les valeurs (socialiser les individus à ne pas se comporter en passager clandestin), et donc socialiser à la lutte.

Attention, cela ne préjuge cependant rien sur la manière dont on va agir et sur les revendications que l’on va porter.


Petit résumé pour bien montrer toute la difficulté à construire une mobilisation collective.


Document 1 – Un exemple de construction d’une cause commune :

« On a eu un autre cas : c’était une personne handicapée qui avait des restrictions médicales et qu’ils avaient fait venir dans l’atelier HC1. Et le gars n’y arrivait pas. Il faisait beaucoup de défauts, il pénalisait les gars de son équipe. Et les gars commençaient à rouspéter autour. Alors, on y est allé, avec un copain, un délégué, et puis on a discuté avec les gars. Ils voulaient arrêter le travail pour faire partir la personne en question parce qu’elle perturbait leur ‘‘bonne marche’’. Et on a réussi à retourner le truc ; on a dit : ‘‘Qu’est-ce que vous allez faire ? C’est pas de sa faute, au pauvre gars, c’est pas sa place dans la ligne, il faut qu’il soit hors ligne, dans un poste où il pourra se débrouiller…’’. On a dit au chef : ‘‘Voilà, si vous trouvez pas un autre poste, là, on arrête le travail !’’. On a tout inversé les choses. On leur a bien expliqué, on leur a dit : ‘‘Voilà, ca, c’est une démarche plus… (Il cherche ses mots et ne les trouve pas, il veut dire : solidaire, fraternelle…) Vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de faire. C’est grave. Chaque fois qu’il y aura un gars qui aura des problèmes, si les copains se mettent à dire : Ben, celui-là, il faut le jeter ! – où est-ce qu’on va, hein !... Alors le patron, il n’a plus rien à faire, vous faites le travail comme il veut, hein ?’’ Dans le nouveau groupe, c’est ça aussi, c'est-à-dire que tout le monde tire la même charrette et que la brebis galeuse, c’est aux gars de lui faire comprendre qu’elle n’a pas sa place et de l’éjecter. Alors nous, on a retourné le truc, et ça a marché ! Et ils ont dit : ‘‘On va aller voir le chef. Il faut enlever ce gars, il n’est pas à sa place en ligne. Il a des restrictions médicales, elles sont pas respectées. Il peut pas tenir un poste, c’est pas de sa faute, vous allez lui trouver un poste ailleurs, autrement, on fait débrayer l’équipe’’. Bon, il nous a dit : ‘‘C’est d’accord, on va lui trouver un autre poste’’ ».

Beaud & Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, 1999  

Question 1 : Restituez la chronologie détaillée des événements décrits ici par un délégué syndical de Peugeot.

Question 2 : Pourquoi peut-on dire qu’il y a eu « une lutte sur l’enjeu de la lutte » ?

Question 3 : Pourquoi peut-on parler ici de plusieurs « socialisations à la mobilisation collective » ?


Maintenant que nous avons dit cela, nous pouvons passer à la suite. Nous voyons que les mouvements sociaux ont besoin de deux choses pour s’activer, soit que les gens aient pris conscience de leurs intérêts (ce qui donne lieu à des groupes de pression s’ils sont les seuls à bénéficier de la mobilisation), soient qu’ils aient pris conscience que la situation sociale est en contradiction avec leurs valeurs.

Par conséquent, si les intérêts et les valeurs changent dans la société, alors les conflits sociaux et mouvements sociaux vont évoluer. Est-ce que cela a été le cas ?


On va désormais essayer de présenter rapidement les grandes évolutions des conflits sociaux en France (mais on peut généraliser aux pays développés sans doute, mais avec précaution) puis de trouver des principes explicatifs.

Présentons cela dit les grandes évolutions avant de commencer pour montrer où est le problème, et comment y répondre.

Partons des mouvements sociaux. Schématiquement, on peut constater la chose suivante (ce qu’on prouvera ensuite) :

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On a alors deux grandes interrogations :

  1. Déclin des formes traditionnelles des conflits du travail et croissance des nouveaux conflits du travail :

On va maintenant évoquer quelques grandes évolutions sociales, que nous reprendrons plus tard dans le cours, pour expliquer les évolutions des mouvements sociaux.

Mais avant de faire cette œuvre d’explication, il nous reste d’abord à bien constater les évolutions des conflits sociaux.


  1. Une baisse nette des conflits traditionnels du travail :

Quel est le principal constat que l’on doit faire ? On doit pour cela regarder quel est la manière la plus traditionnelle de contester dans le monde du travail ?

La grève est la forme la plus traditionnelle de conflit du travail.

* Quelles grandes grèves classiques ?


* Comment son utilisation a-t-elle évolué ? DOCUMENT FONDEMENTAL, A BIEN CONNAÎTRE. ON LE REPRENDRA DANS LE C.

Document 2 – L’évolution des conflits traditionnels du travail :

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Faire une phrase-type pour expliquer la signification de JINT : le nombre de jours de grève effectué par les personnes en emploi correspond à x journées non travaillées dans l’année.


Deux grandes évolutions à noter :

* Si on observe l’ensemble des entreprises privées et publiques, on constate selon la Dares (à partir des chiffres des inspecteurs du travail), que le nombre de journées individuelles de grève a été divisé par 100 de 1947 à 2006. On comptait 20 millions de journées de grève dans les entreprises privées en 1947, 4 millions en 1975 et seulement 0,2 million en 2006.

NB : La France gréviste est un mythe ! La forme « traditionnelle » de mobilisation qu’est la grève est désormais peu utilisée.

NB : On verra qu’il y a d’autres formes de mobilisation, ce qui permettra de nuancer l’affirmation d’un déclin total des conflits du travail.


* Un syndicat est une organisation constituée pour la défense d’intérêts professionnels ou statutaires communs. Attention : peut concerner les salariés mais aussi les chefs d’entreprise non salariés.

On constate un déclin du syndicalisme de salariés en France depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Selon la Dares, en France, en 1950, sur 100 salariés, 30 sont syndiqués, contre 16 en 1975 et 8 en 2006.

NB : Attention, la France syndicalisée est aussi un mythe ! (maximum 30% des salariés).


  1. Expliquer par les Trente Glorieuses le déclin des conflits traditionnels du travail :

On va maintenant faire un petit peu de révisions anticipées, en gardant sous les yeux le document 2 (avec baisse du taux de syndicalisation jusqu’en 1960, puis stable jusqu’en 1980).

Révision anticipée : Quelles sont les grandes caractéristiques des Trente Glorieuses ?

Ces mutations sociales ont conduit à des changements dans les N&V qui expliquent à leur tour les mutations des conflits.

Nous allons maintenant essayer de le prouver.


Comment expliquer le déclin des conflits traditionnels du travail ?

Hypothèse principale : les Trente Glorieuses ont transformé le groupe ouvrier et donc la lutte des classes.

On peut le montrer en repartant de deux analyses, celles de MARX et de MENDRAS.

Coller le document 3.

Révision anticipée :

MARX : les conflits du travail sont des conflits liés à la lutte des classes, c'est-à-dire le conflit qui oppose prolétaires et capitalistes. Celle-ci est inéluctable en raison de la polarisation de la société (de plus en plus de prolétaires de plus en plus pauvres face à de moins en moins de capitalistes de plus en plus riches).

Pour qu’il y ait lutte des classes, il faut que les classes se mobilisent, ce qui, dans la vocabulaire marxien signifie l’existence d’une classe pour soi (une classe en soi qui a de plus une conscience de classe).

MENDRAS : Le problème, c’est que la société s’est moyennisée. Qu’est-ce que cela veut dire ? Rappelons qu’il y a trois dimensions :

Pour ces deux premières raisons, on constate que les caractéristiques objectives des ouvriers, leur classe en soi, sont transformées.

Pour cette troisième raison, on constate que les caractéristiques subjectives des ouvriers, leur conscience de classe, leur capacité à être une classe pour soi, est transformée.

Par conséquent, la moyennisation joue en défaveur de la lutte des classes et donc des conflits traditionnels du travail.


Document 3 – Le déclin de la « classe » ouvrière :

« Un certain « groupe ouvrier » a vécu, celui des ouvriers d’industrie, organisés syndicalement et constitués politiquement, héritiers, en quelque sorte, de la « génération singulière » qui s’était construite dans les luttes sociales de 1936 et de l’immédiat après-guerre. Sans vouloir céder ici à l’illusion rétrospective et largement anachronique d’un âge d’or ouvrier – la condition ouvrière a toujours été une condition subie, soumise à la nécessité –, il n’en reste pas moins que les ouvriers du temps de la « classe ouvrière » disposaient d’un capital politique accumulé (les partis « ouvriers », les syndicats), d’un ensemble de ressources culturelles (des associations se référant sans honte au mot ouvrier) et symbolique (la fierté d’être ouvrier, le sentiment d’appartenir à la « classe »), qui permettaient de défendre collectivement le groupe, […], limitant ainsi l’emprise de la domination économique et culturelle.

« Il existait aussi, hors de l’usine, ce que l’on peut appeler une « société ouvrière » qui permettait à ses membres de vivre dans un entre-soi protecteur et rassurant au sein duquel s’épanouissaient les traits d’une culture spécifique. […] Dans ce monde intégré, les diverses instances de socialisation (cercles laïques, Jeunesse communiste ou Jeunesse ouvrière chrétienne, colonies de vacances, activités culturelles ou de loisir des comités d’entreprise) encadraient la jeunesse dans les zones urbaines et contribuaient à la transmission des mêmes valeurs.

« Cette longue période durant laquelle l’existence de la classe ouvrière apparut comme une évidence semble aujourd’hui révolue. La « classe ouvrière » en tant que telle a éclaté sous l’impact de différentes forces centrifuges : désindustrialisation de l’Hexagone, perte de ses bastions traditionnels (le Nord et la Lorraine, la Loire, Renault-Billancourt), informatisation de la production et chute de la demande de travail non-qualifié, division géographique de l’espace ouvrier, différenciation sexuelle du groupe [avec la croissance des emplois d’employées pour la majorité des femmes], déclin continu et accéléré du PCF, perte de l’espoir collectif et diminution corrélative du sentiment d’appartenance à la classe, sans oublier le désintérêt désormais affiché pour tout ce qui touche au monde ouvrier ».

Beaud & Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, 1999

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L. Chauvel, « La déstabilisation du système de positions sociales », in Lagrange (dir), L’épreuve des inégalités, 2006

Exercice : repérer dans le texte les éléments concernant le déclin : de la classe en soi / de la conscience de classe ouvrière.


  1. Une reconfiguration des conflits du travail sous de nouvelles formes :

On va maintenant revenir sur les principales évolutions des Trente Glorieuses et les prolonger. Travaillons d’abord avec le document 4 de la FD.


Document 4 – Une baisse des conflits traditionnels du travail en demi teinte :

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Ecopublix, « Des grèves partout, sauf dans les statistiques ? », 2007

Reprendre la lecture des JINT.

2 constats à faire :

- des années 1980 aux années 2000, le nombre de JINT est globalement le même, autour de 2 millions, avec des pics particuliers (1989 ; 1995 : manifestations contre la réforme Juppé de la Sécurité Sociale ; 2003 : manifestations contre la réforme Fillon des retraites : 2010 : manifestations contre la réforme des retraites).

- cette stabilité cache une modification de la répartition des acteurs des JINT : les salariés du secteur privé sont de moins en moins représentés tandis que ceux des transports (privé et public) et ceux du public le sont plus.

On peut donc conclure que les conflits traditionnels du travail ne disparaissent pas. On va devoir comprendre pourquoi.

On peut également conclure que les conflits traditionnels du travail ont disparu partiellement dans le privé mais pas dans le public. Quelles évolutions ont touché le secteur privé qui n’ont pas affecté le secteur public et qui permettent de comprendre cette différence ?


Mais n’y a-t-il pas d’autres évolutions, plus fines. Document 5.

Document 5 – Proportion de conflits du travail en 1996 et en 2004 dans les entreprises de plus de 20 salariés :

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Observez les évolutions des différentes pratiques de conflit du travail.

Question 1 : Quelle pratique a le plus augmenté dans chacun des grands types de conflits ? Ne pas oublier de calculer avec des indicateurs fiables.

Question 2 : Y a-t-il une pratique qui va à rebours des autres ?

- On observe bien, dans le secteur privé, la diminution des grèves longues, mais augmentent les grèves courtes voire très courtes et toutes les actions sans arrêt de travail (refus d’heures supplémentaires, manifestations, pétitions).

Quelles transformations dans le secteur privé expliquent la modification des formes de conflit ?


  1. Une reconfiguration des conflits du travail explicable par les transformations de l’emploi :

On peut essentiellement revenir sur ce qui caractérise les Trente Piteuses (et a plus touché les salariés du privé que du public) :

Ces évolutions des faits et des croyances ont sans doute joué sur les conflits sociaux (et pour le coup plus dans le privé que dans le public).


On peut essayer de le résumer avec le document 6 de la FD.

Document 6 – L’analyse de la reconfiguration des conflits du travail :

Des transformations de l’emploi :

Transformations de l’organisation du travail

Transformations au niveau de la main d’œuvre

Transformation des conflits

Déclin des usines taylorisées et du travail à la chaîne

Développement du travail en équipe semi-autonomes

Dispersion du personnel

Conflits plus segmentés ou plus localisés

Rapports hiérarchiques moins visibles et plus souples

Développement de la culture d’entreprise

Moindre recours aux formes rituelles de conflit

Différenciation plus poussée des statuts au sein de l’entreprise et individualisation du rapport salarial

Affaiblissement des collectifs et de la solidarité au travail.

Concurrence accrue entre les salariés

Conflits plus catégoriels, c'est-à-dire liés à des types d’employés.

Accroissement de la flexibilité

Accroissement de la précarité du travail

Multiplication des conflits de droit

Manuel de SES, Editions Magnard, 2010

Consigne : à partir du document ci-dessus et de vos connaissances du chapitre 3 et du A du chapitre 4, remplir le schéma suivant. Rappelez-vous les éléments suivants : ce schéma constitue un résumé des mécanismes qui expliquent la reconfiguration des conflits du travail. Vous devez choisir pour éléments du début de schéma des expressions suffisamment larges pour faire des sous-parties répondant à cette question. Vous devez choisir pour éléments de la fin du schéma les expressions qui montrent une reconfiguration des conflits du travail.

Expressions à utiliser dans le schéma : Relations plus fréquentes entre l’employeur et l’employé ; Développement des FPE ; Désyndicalisation ; Peur de perdre son emploi ; Concurrence entre salariés pour les salaires et le maintien dans l’emploi ; Développement du néo-taylorisme ; Moindre nécessité d’utiliser les services d’un syndicat ; Réduction du temps moyen passé dans l’entreprise ; Croissance du chômage ; Moindre socialisation aux valeurs de solidarité dans un collectif de travail ; Choix de formes de mobilisations moins « coûteuses » ; Réductions des conflits traditionnels du travail ; Plus grande incitation à se comporter en passager clandestin ; Ralentissement de la croissance des salaires.


Corrigé :

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  1. La croissance des NMS :

On va maintenant revenir en arrière et passer à l’autre grand type de conflit : les NMS.


      1. Que signifie la montée des NMS ?

Au courant des années 1960, on constate une diversification des formes et des objets du conflit social. Il y a des NMS qui remplaceraient les conflits traditionnels du travail.


Un exemple : les mouvements féministes.

Passer les transparents.

 comment a lieu la manifestation ? quelles sont les formes d’actions entreprises ?

qu’est-ce qui est revendiqué ? à quels domaines cela renvoie-t-il ?

Document 7 de la FD.

 Est-ce qu’on retrouve la même chose dans le document 3 ?

Document 7 – Le mouvement féministe d’hier à aujourd’hui :

Extraits du Manifeste pro-avortement qui sera surnommé « Manifeste des 343 Salopes » :

« Un million de femmes se font avorter chaque année en France.

« Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.

« On fait le silence sur ces millions de femmes.

« Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté.

« De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. […]

« La liste de signatures est un premier acte de révolte. Pour la première fois, les femmes ont décidé de lever l’interdit qui pèse sur leur ventre : des femmes du Mouvement de Libération des Femmes, du Mouvement pour la Liberté de l’Avortement, des femmes qui travaillent, des femmes au foyer.

« Au Mouvement de Libération des Femmes, nous ne sommes ni un parti, ni une organisation, ni une association, et encore moins leur filiale féminine. Il s’agit là d’un mouvement historique qui ne groupe pas seulement les femmes qui viennent au M.L.F., c’est le mouvement de toutes les femmes qui, là où elles vivent, là où elles travaillent, ont décidé de prendre en main leur vie et leur libération.

« Lutter contre notre oppression c’est faire éclater toutes les structures de la société et, en particulier, les plus quotidiennes. Nous ne voulons aucune part ni aucune place dans cette société qui s’est édifiée sans nous et sur notre dos.

« Quand le peuple des femmes, la partie à l’ombre de l’humanité, prendra son destin en main, c’est alors qu’on pourra parler d’une révolution.

« Un Mouvement pour la Liberté de l’Avortement s’est constitué, qui regroupe toutes celles et ceux qui sont prêts à lutter jusqu’au bout pour l’avortement libre. Ce mouvement a pour but de susciter des groupes de quartier et d’entreprise, de coordonner une campagne d’explication et d’information, de se transformer en mouvement de masse seul capable d’imposer notre droit à disposer de nous-mêmes ».

Paru dans le Nouvel Observateur, 5 avril 1971

Extraits du Manifeste « L’Egalité Maintenant ! » :

« Nous sommes le 5 avril 2011. Des progrès importants ont été réalisés depuis 40 ans. Les femmes travaillent, endossent des responsabilités, s’engagent, prennent la parole dans l’espace public, choisissent leur vie, et leurs sexualités. Et pourtant, comme en 1971, parce que nous sommes nées femmes, nous demeurons assignées à notre sexe, maintenues en position subalterne, pendant toute notre vie.

« Nous avons parfois la sensation cruelle de nous réveiller avec la gueule de bois. Nous touchons des salaires ou des retraites largement inférieurs à ceux des hommes. Nous assumons l’immense majorité des tâches ménagères. Nous sommes continuellement renvoyées à la sphère privée : notre corps, notre apparence, notre fonction éventuelle de mère. Beaucoup d'entre nous, parce qu'elles vivent en milieu rural, dans des quartiers défavorisés ou parce que les hôpitaux ferment, n'ont toujours pas accès à la contraception ou à l'avortement, libres et gratuits. Les portes des responsabilités politiques, économiques ou culturelles nous sont pour la plupart fermées. 75 000 d’entre nous sont violées chaque année en France et une d’entre nous meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon.

« Une société ne peut avancer lorsque plus de la moitié de celles et ceux qui la composent est victime au quotidien de violences et de discriminations. Nous sommes devenues femmes sous le joug du patriarcat. Nous en avons assez. Nous avons des droits. Nous nous sommes battues, à toutes les époques, pour les faire inscrire dans les lois et les faire avancer. Ces droits ne sont pas respectés. Les inégalités femmes – hommes persistent, moins visibles peut-être et plus insidieuses, mais tout aussi prégnantes et injustifiées.

« Nous voulons atteindre l'égalité femmes – hommes dans les têtes et dans les faits. […] Il est temps de faire sauter le verrou ouvert par le Manifeste des 343. Nous ne demandons pas la lune, nous exigeons juste l’égalité ».

Paru dans Libération, 5 avril 2011


Autres exemples de NMS : protection de la nature, antinucléaire, « altermondialistes », mouvements homosexuels (gay et lesbien), mouvements anti-société de consommation, mouvements jeunes, mouvements de sans-papiers, mouvements de sans-abris, etc.


Maintenant qu’on a dit cela, résumons.

Les NMS sont des mouvements sociaux où


      1. Expliquer par les Trente Glorieuses la croissance des NMS :

On va maintenant faire un petit peu de révisions anticipées, en gardant sous les yeux le document 2 (avec baisse du taux de syndicalisation jusqu’en 1960, puis stable jusqu’en 1980).

Révision anticipée bis : Quelles sont les grandes caractéristiques des Trente Glorieuses ?

Ces mutations sociales ont conduit à des changements dans les N&V qui expliquent à leur tour les mutations des conflits.

Nous allons maintenant essayer de le prouver.


Comment expliquer donc la croissance des NMS ?

On peut revenir sur les caractéristiques des NMS :

Autrement dit, on a ici la défense d’intérêts « post-matérialistes » et « individualistes ». Ce sont donc des intérêts que l’on défend lorsque la situation matérielle est assurée et dans des sociétés de grande taille avec solidarité organique. C’est ce que l’on peut confirmer quand on regarde la composition des personnes dans les NMS : les classes supérieures y sont surreprésentées, ainsi que les populations urbaines.

A ce titre, la France des Trente Glorieuses correspond à cela :


Cette théorie est celle du sociologue Alain Touraine dans La production de la société, 1973.

Pour Alain Touraine, il faut chercher à comprendre toutes les mobilisations collectives qui apparaissent à partir des années 1960 et qui ne se réduisent pas au conflit classique des classes telles qu’en parlait Karl Marx.

Pour comprendre les NMS, Alain Touraine va considérer en premier lieu que chaque société a un conflit central autour de ce qu’il appelle « l’historicité ». L’historicité désigne les grandes orientations culturelles de la société, le projet d’avenir de la société.

Société

Historicité autour de

Société démocratique (1789-1880)

Lutte pour les droits civiques

Société industrielle (1880-1960)

Lutte des classes, partage des richesses

Société post-industrielle ou post-matérialiste (1960-…)

Lutte pour la liberté et l’autonomie des individus

Les Nouveaux MS sont donc les mouvements sociaux qui sont liés au passage d’une société industrielle à une société tertiaire dans laquelle le partage des richesses ne poserait plus problème.


NB : Il y a cependant faire attention à la manière dont on pense les NMS et ne pas exagérer les choses :

- quand on parle des NMS, on fait comme si les « anciens » mouvements ouvriers n’avaient pas de dimension identitaire et n’étaient que « bassement » matériels ; ce qui est faux. Exemple : Histoire du travail du travail : lié à l’histoire du statut et de l’identité de l’ouvrier puis du salarié en général.

- quand on parle des NMS, on oublie que les NMS portent aussi sur des questions matérielles. Exemple : Mouvements féministes aussi sur des questions de salaires.

- quand on parle des NMS, en valorisant le « nouveau », on cherche à disqualifier « l’ancien ». Ce qui est un jugement de valeur.


Conclusion du I :

Reprise du document vidéo, où l’on va alors reprendre l’ensemble des exemples et essayer de les classer, en justifiant, s’ils font plutôt partie des NMS ou des conflits du travail (traditionnels ou nouveaux).


  1. Le rapport des conflits sociaux à la cohésion sociale :

On peut maintenant s’atteler à l’analyse de ce que sont les conflits sociaux dans leur rapport à la cohésion sociale. Il s’agira dans un premier temps de poser le problème du rapport paradoxal entre cohésion sociale et conflits sociaux, puis nous montrerons une deuxième fois ce rapport paradoxal en analysant à nouveau le cas des conflits du travail.


On montrera que les conflits peuvent être appréhendés à partir de grilles de lecture contrastées : comme pathologie de l’intégration ou comme facteur de cohésion.




  1. Les conflits comme pathologie de la modernité :

On va repartir des analyses classiques que l’on a déjà étudié dans le chapitre 3, et se demander En quoi les conflits sociaux montrent-ils que la cohésion sociale est remise en question ?


Pour répondre à cette question en repartant de nos connaissances.

Rappel qui sert dans le même temps de correction à l’exercice :

Quelle est la grande évolution sociale que nous avons vus ensemble dans le chapitre 3 ? Passage de SM à SO.

Qu’est-ce que cela signifie sur les liens entre les individus ? Moins de N&V communes et plus de division du travail.

Or, d’où viennent les conflits sociaux, dans leur point de départ ? D’un ensemble de comportements qui dépendent des N&V des individus.

Que peut-on en conclure ? Avec la SO, il y a plus de conflits sociaux et cela montre la difficulté d’avoir de la cohésion sociale dans la modernité. Les conflits sont le signe d’une pathologie inhérente à la modernité. C’est bien pour cela que l’on a besoin d’autres sources d’intégration qui recréent de la SM en plus de la SO (cf. chapitre 3).


On va essayer de retrouver cette conclusion dans les textes de Durkheim eux-mêmes, pour être sûr.

Document 8 – Les conflits comme pathologie de la modernité :

« Jusqu'ici, nous n'avons étudié la division du travail que comme un phénomène normal; mais, comme tous les faits sociaux et, plus généralement, comme tous les faits biologiques, elle présente des formes pathologiques qu'il est nécessaire d'analyser. […]

« L'antagonisme du travail et du capital est un autre exemple, plus frappant, du même phénomène. A mesure que les fonctions industrielles se spécialisent davantage, la lutte devient plus vive, bien loin que la solidarité augmente. Au Moyen Âge, l'ouvrier vit partout à côté de son maître, partageant ses travaux dans la même boutique, sur le même établi. Tous, deux faisaient partie de la même corporation et menaient la même existence. […] Aussi les conflits étaient-ils tout à fait exceptionnels. A partir du XVème siècle, les choses commencèrent à changer. Le corps de métier n'est plus un asile commun ; c'est la possession exclusive des maîtres qui y décident seuls de toutes choses... Dès lors, une démarcation profonde s'établit entre les maîtres et les compagnons. Ceux-ci formèrent, pour ainsi dire, un ordre à part ; ils eurent leurs habitudes, leurs règles, leurs associations indépendantes. Une fois que cette séparation fut effectuée, les querelles devinrent nombreuses. […] Enfin, au XVIIème siècle commence la troisième phase de cette histoire des classes ouvrières : l'avènement de la grande industrie. L'ouvrier se sépare plus complètement du patron. Il est en quelque sorte enrégimenté. Chacun a sa fonction, et le système de la division du travail fait quelques progrès. Dans la manufacture des Van-Robais, qui occupait 1 692 ouvriers, il y avait des ateliers particuliers pour la charronnerie, pour la coutellerie, pour le lavage, pour la teinture, pour l'ourdissage, et les ateliers du tissage comprenaient eux-mêmes plusieurs espèces d'ouvriers dont le travail était entièrement distinct. En même temps que la spécialisation devient plus grande, les révoltes deviennent plus fréquentes. La moindre cause de mécontentement suffisait pour jeter l'interdit sur une maison, et malheur au compagnon qui n'aurait pas respecté l'arrêt de la communauté. On sait assez que, depuis, la guerre est toujours devenue plus violente. […]

« Ce qui fait la gravité de ces faits, c'est qu'on y a vu quelquefois un effet nécessaire de la division du travail, dès qu'elle a dépassé un certain degré de développement. Dans ce cas, dit-on, l'individu, courbé sur sa tâche, s'isole dans son activité spéciale ; il ne sent plus les collaborateurs qui travaillent à côté de lui à la même oeuvre que lui, il n'a même plus du tout l'idée de cette oeuvre commune. La division du travail ne saurait donc être poussée trop loin sans devenir une source de désintégration. […] La division du travail exercerait donc, en vertu de sa nature même, une influence dissolvante qui serait surtout sensible là où les fonctions sont très spécialisées. […] La diversité des fonctions est utile et nécessaire ; mais, comme l'unité, qui n'est pas moins indispensable, n'en sort pas spontanément, le soin de la réaliser et de la maintenir devra constituer dans l'organisme social une fonction spéciale, représentée par un organe indépendant. Cet organe, c'est l'État ou le gouvernement. […]

« Pour que la solidarité organique existe, il ne suffit pas qu'il y ait un système d'organes nécessaires les uns aux autres et qui sentent d'une façon générale leur solidarité, mais il faut encore que la manière dont ils doivent concourir, sinon dans toute espèce de rencontres, du moins dans les circonstances les plus fréquentes, soit prédéterminée. […] Or, dans tous les cas que nous avons décrits plus haut, cette réglementation ou n'existe pas, ou n'est pas en rapport avec le degré de développement de la division du travail. […] Les rapports du capital et du travail sont, jusqu'à présent, restés dans le même état d'indétermination juridique. […] Ces divers exemples sont donc des variétés d'une même espèce ; dans tous ces cas, si la division du travail ne produit pas la solidarité, c'est que les relations des organes ne sont pas réglementées, c'est qu'elles sont dans un état d'anomie ».

Emile Durkheim, De la division du travail social, Livre troisième, Chapitre premier, 1893

Question 1 : Quelle est la théorie principale de l’auteur de ce texte que nous avons déjà vue ?

Question 2 : Montrez que l’on retrouve cette théorie dans le deuxième paragraphe. Mais que nous apprend en plus ce deuxième paragraphe ?

Question 3 : Expliquez à partir de là la première phrase soulignée.

Question 4 : Explique la deuxième phrase soulignée.

NB : Pour expliquer les phrases soulignées, chercher à rendre plus clair ce qui y paraît le plus compliqué.


  1. Des conflits signes et sources d’intégration sociale :

Pour autant, même si Durkheim oppose conflits et cohésion sociale dans ces cas anomiques, cela ne veut pas dire que c’est nécessairement le cas. On va pouvoir le nuancer de deux manières différentes. C’est comme faire une deuxième partie répondant à la question :

Dans quelle mesure les conflits sociaux montrent-ils que la cohésion sociale est remise en question ?

On a déjà vu Oui dans le A), on va voir le Mais dans ce B).


  1. L’intégration sociale comme moteur des mouvements sociaux :

Travaillons avec le document 9.

Document 9 – Sociologie des manifestants :

DEUXIÈME PARTIE – LE CŒUR DE LA MODERNITÉ SOCIALE

Groux, « Le potentiel protestataire et le vote. La propension à manifester », Cevipof, 2007

Question unique : Présentez le document puis montrez en quoi le fait d’être intégré socialement permet la mobilisation sociale.


Donc, on observe que ce sont les plus intégrés qui se mobilisent.

Conclusion et première idée : l’intégration sociale est nécessaire à l’existence des mouvements sociaux.


  1. Des mouvements sociaux comme sources de cohésion sociale :

Travaillons ensuite avec le document 10.

Document 10 – Le conflit : une manière de communiquer :

DEUXIÈME PARTIE – LE CŒUR DE LA MODERNITÉ SOCIALE

« Négociation collective et grèves dans les entreprises du secteur marchand en 2010 », DARES Analyses n°53, 2012

Question unique : Présentez le document puis montrez en quoi le conflit social est une cause de cohésion sociale.


Donc, on observe que ces mobilisations dans le travail sont complémentaires avec les possibilités de négociation et de régulation pacifique, pas contre.

Conclusion et deuxième idée : Les mouvements sociaux permettent de créer de la cohésion sociale en forçant à ouvrir le dialogue et donc en rendant possible la coopération.


Ceci renvoie à la théorie classique de Georg Simmel sur Le conflit (1903) : comme l’explique Georg Simmel, le conflit n’est pas qu’une opposition entre les individus, c’est aussi une manière de vivre ensemble, c’est une relation sociale. Car, dans le conflit, il est nécessaire de reconnaître à l’adversaire son existence et sa pertinence.


  1. Un exemple du rôle complexe du conflit et de la coopération : l’institutionnalisation de la relation salariale :


NB : HORS PROGRAMME MAIS UN BON EXEMPLE


On va montrer cette question de l’ambivalence des conflits, entre désintégration sociale et cohésion sociale, par le biais de l’analyse de l’histoire du droit du travail en France et des causes de son évolution.


Avant de repartir sur cette question, rappel :

Par conséquent, on peut supposer la chose suivante : par les conflits du travail, la société française a progressivement acquis une capacité de négociation sur le travail, et c’est désormais lorsqu’elle fait défaut que les conflits prennent la relève.

C’est cette hypothèse que nous allons vérifier en regardant l’histoire du droit du travail en France, et plus particulièrement l’institutionnalisation de la relation salariale, en parallèle avec l’histoire des conflits.

En parlant d’institutionnalisation de la relation salariale, on va s’intéresser à la mise en place d’un ensemble des règles légales et sociales qui vont encadrer la relation entre un employeur et son salarié.


On va dans cette partie s’appuyer sur les travaux de Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, 1995 pour analyser les mutations de la notion de salariat, mais également sur la chronologie ci-jointe.

Avec la chronologie sous les yeux, on va demander aux élèves de découper le temps chronologique, de créer des périodes, comme en histoire. Leur demander de le faire en avance, à la maison.



Période historique


1800-1900

1901-1944

1945-1979

1980-…


Nom de la période


Condition prolétarienne

Condition ouvrière

Condition salariale

Détricotage de la condition salariale





Situation de l’employé





Les employés sont des prolétaires.

Ils signent des contrats de louage.

La propriété privée est la seule protection.

Les employés sont des prolétaires.

Ils signent des contrats de travail.

Des droits sociaux s’ouvrent aux salariés, notamment de coopération et de représentation collective.

Les employés ne sont pas seulement des prolétaires. Ils signent des contrats de travail. La propriété sociale devient la protection pour tous.

Les limites des contrats de travail et de la propriété sociale sont remises en question.

Dates à retenir

/

1901

1919

1936

1945

1950

1958

1982

2003

2007

Notions importantes

Prolétariat

Conventions collectives

Partenaires sociaux

Précariat


*1 Voyons précisément comme cette condition prolétarienne s’appliquait dans les manufactures.

Exemple sur les conditions de travail : Leur lire un extrait de Marx. Le Capital, Chapitre XII.

« A côté de l'exploitation des mines et des houilles, l'Angleterre fournit un autre exemple classique d'un travail excessif, pénible et toujours accompagné de traitements brutaux à l'égard des ouvriers qui y sont enrôlés dès leur plus tendre enfance, la fabrication des tuiles ou des briques, où l'on n'emploie guère les machines nouvellement inventées. De mai à septembre, le travail dure de 5 heures du matin à 8 heures du soir, et quand le séchage a lieu en plein air, de 4 heures du matin à 9 heures du soir. La journée de travail de 5 heures du matin à 7 heures du soir passe pour une journée « réduite », « modérée ». Des enfants des deux sexes sont embauchés à partir de l'âge de six et même de quatre ans. Ils travaillent le même nombre d'heures que les adultes, et souvent davantage. La besogne est pénible et la chaleur du soleil augmente encore leur épuisement. A Mosley, par exemple, dans une tuilerie, une fille de vingt-quatre ans faisait deux mille tuiles par jour, n'ayant pour l'aider que deux autres filles, à peine sorties de l'enfance, qui portaient la terre glaise et empilaient les carreaux. Ces jeunes filles traînaient par jour dix tonnes sur les parois glissantes de la fosse, d'une profondeur de cinquante pieds à une distance de deux cent dix ».

Exemple sur la relation particulière entre employeur et employé : leur lire un extrait de règlement intérieur. Leur demander prendre en note la ou les mesures qui leur paraissent personnellement la plus « hallucinante ».

Document - Règlement intérieur d’une entreprise dans les années 1830 :

Art. 5 : il est strictement interdit de parler sur le lieu de travail.

Art. 6 : notre firme met un poêle à la disposition des employés de bureau. Afin qu’ils puissent se réchauffer, il est recommandé à chaque membre du personnel d’apporter chaque jour 4 livres de charbon durant la saison froide.

Art. 7 : la journée de travail se compose de 13 heures ; les excédents seront payés aux ouvriers dans la proportion de leur salaire et dans aucun cas ils ne pourront refuser un excédent de travail quand les circonstances l’exigeront, sous peine de 2 francs d’amende.

Art. 8 : tout ouvrier en retard de 10 minutes sera mis à une amende de 22 centimes ; s’il manque complètement, il paiera une amende de la valeur du temps d’absence.

Art. 16 : toute ouvrière qui laverait ses mains ou des effets quelconques avec le savon de la fabrique paiera 3 francs d’amende.

Le point important est que rien n’encadrait en général les conditions, la durée du travail… Tout était déterminé dans chaque entreprise entre « égaux ». Le patron de l’entreprise déterminait lui-même ses règles. Il n’y avait pas le caractère collectif qui naîtra plus tard via les conventions collectives et les négociations collectives.


*2 Petit focus. Pourquoi la question de la représentation collective est-elle importante ?

Leur lire un extrait de Smith.

« C’est par la convention qui se fait habituellement entre ces deux personnes, dont l’intérêt n’est nullement le même, que se détermine le taux commun des salaires. Les ouvriers désirent gagner le plus possible ; les maîtres, à donner le moins qu’ils peuvent ; les premiers sont disposés à se concerter pour élever les salaires, les seconds pour les abaisser.

« Il n’est pas difficile de prévoir lequel des deux partis, dans toutes les circonstances ordinaires, doit avoir l’avantage dans le débat, et imposer forcément à l’autre toutes ses conditions. Les maîtres, étant en moindre nombre, peuvent se concerter plus aisément ; et de plus, la loi les autorise à se concerter entre eux, ou au moins ne le leur interdit pas ; tandis qu’elle l’interdit aux ouvriers. Nous n’avons point d’actes du Parlement contre les ligues qui tendent à abaisser le prix du travail ; mais nous en avons beaucoup contre celles qui tendent à le faire hausser.

« Dans toutes ces luttes, les maîtres sont en état de tenir ferme plus longtemps. Un propriétaire, un fermier, un maître fabricant ou marchand, pourraient en général, sans occuper un seul ouvrier, vivre un an ou deux sur les fonds qu’ils ont déjà amassés. Beaucoup d’ouvriers ne pourraient pas subsister sans travail une semaine, très peu un mois, et à peine un seul une année entière. A la longue, il se peut que le maître ait autant besoin de l’ouvrier, que celui-ci a besoin du maître ; mais le besoin du premier n’est pas si pressant ».

A. Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

La question du collectif est d’ailleurs très importante car c’est un moyen d’assurer que les dispositions légales sont bien appliquées. Si le rapport est uniquement entre un employeur et un employé, il y a de fortes chances que l’employeur impose ses conditions à l’employé. C’est moins le cas quand un collectif de travailleurs discute avec les employeurs. On en reparlera dans le chapitre sur le chômage (chapitre 6).

Convention collective : désigne un accord entre les employeurs et les salariés et qui s’applique à l’ensemble des entreprises d’un même secteur ou d’une même branche.


*3. On en reparlera dans le chapitre sur l’Etat (chapitre 9)

Partenaires sociaux : nom donné aux organisations syndicales d’employeurs et de salariés lorsqu’on s’intéresse à leur rôle dans la gestion de la Sécurité Sociale.


*4. On en a déjà parlé avec le développement du précariat dans le chapitre 3.

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